Trois questions à Guillaume Vidil, directeur général de Marfret

Vous avez pris la direction générale de Marfret mi-2019, un vrai baptême du feu avec les événements qui ont suivi. Comment avez-vous vécu ces trois années ?

J’ai embarqué pour une aventure maritime avec les grèves dans les ports français dès la fin 2019, puis la pandémie, la guerre en Ukraine et le défi simultané d’initier notre transition énergétique. C’est par forte houle que l’on teste la solidité, la résistance d’un navire. Marfret a non seulement su garder le cap sur ses lignes existantes mais s’est aussi ouvert de nouveaux horizons avec le lancement du « Multipurpose Vessel Service », service conventionnel qui connecte le Havre et Anvers à la Guyane et aux Antilles, puis  la création d’une ligne entre l’Égypte et l’Italie. Ces nouvelles lignes démontrent que Marfret favorise les actes aux discours et expérimente de façon itérative aussi bien dans les nouvelles technologies à bord de nos navires que dans la transformation digitale de notre système de réservation.

En 2022, vous avez été lauréat du prix Choiseul pour la deuxième année consécutive, qui consacre les 100 personnalités du monde économique en France et vous avez également pris la présidence du Comité marseillais des Armateurs de France (CMAF).  Quels sont vos défis ?

Marseille est une place portuaire dynamique, alignée sur des sujets communs au premier rang desquels la pollution atmosphérique. La tenue de la deuxième édition du Blue Maritime Summit en octobre 2022 démontre l’engagement fort des armateurs à devancer les règles pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous avons, en ce sens, signé trois accords avec les armateurs de croisières, le Pôle mer Méditerranée et Atmosud pour avoir une base de données, échanger en toute transparence et multiplier les actions vertueuses. La présence du secrétaire d’État chargé de la mer Hervé Berville était importante dans un contexte où le maire de Marseille, en lançant la pétition contre les navires, a soulevé les habitants contre le port.  Une situation sans précédent qui a blessé le monde armatorial. Un autre combat porte sur la promotion de l’École Nationale Supérieure Maritime, le CMAF a d’ailleurs prévu de réunir un budget pour promouvoir les carrières de marins.     

Bernard et Raymond Vidil ont pris du recul dans la gestion quotidienne de la compagnie. Quelle est la nouvelle répartition des rôles ?

La période de transition semble désormais achevée. Certes, Bernard et Raymond Vidil se sont détachés des fonctions opérationnelles, du quotidien, mais ils conservent un rôle stratégique de premier plan. En président et siégeant au conseil de surveillance de Marfret, ils livrent leur vision, fixent le cap. Détachés du quotidien, ils ont libéré du temps pour se consacrer aux transactions de la flotte et également faire connaître nos positions auprès des institutions et administrations.

Résidence d’artiste

Depuis 2007, Marfret accueille des artistes en résidence. Jusqu’à présent, ces résidences avaient lieu à terre dans nos bureaux et en mer à bord de nos navires. La pandémie de Covid-19 ayant limité les possibilités d’accès aux navires, nous avons ouvert un atelier d’artiste à quelques pas de notre siège social, au 13 bis quai de la Joliette.

Nous y accueillons actuellement, pour une période de deux ans, l’artiste Pierre-Marie Vergnes. Dans sa série Entre Présent et Présence, peinte à l’huile, les infrastructures du port, ses grues, ses porte-conteneurs, ses couleurs se marient harmonieusement à des scènes de vie urbaine où la diversité des modes de vie sont unis par une constante : l’échange, omniprésent, entre les hommes et les femmes auxquels l’artiste donne vie, entre la ville et son port.

L’œuvre de Pierre-Marie Vergnes illustre bien notre approche de la résidence : chacune d’entre elles est avant tout une rencontre entre l’artiste, nos équipes sédentaires et nos équipages. L’artiste offre à nos collaborateurs, professionnels du maritime, un regard nouveau sur leur activité, il leur permet de l’envisager autrement, dans toutes ses dimensions sensorielles et émotionnelles. Les œuvres nées de ces rencontres sont ensuite partagées avec nos clients et partenaires lors d’expositions que nous réalisons dans la place portuaire choisie par Marfret et l’artiste parmi toutes celles figurant dans l’itinéraire de nos navires.

Marfret lance un service régulier entre l’Égypte et l’Italie

Le service « Égypte-Italie Express » offre un desserte régulière d’ Alexandrie au départ de Gênes et de Salerne. 

Être armateur, suppose d’être aux avant-postes des évolutions de marchés, d’accompagner les stratégies des producteurs, des industriels et des distributeurs afin d’atténuer la prise de risque inhérente à l’aventure maritime. « En ces temps de relocalisation, où  de plus en plus d’acteurs économiques diversifient leur chaîne d’approvisionnement à la recherche de fournisseurs régionaux, nous lançons un service direct, rapide et de qualité avec une rotation dédiée entre l’Italie et l’Égypte », annonce Guillaume Vidil.

Le « Sunaid X », porte-conteneurs de 700 Evp de capacité, a appareillé de Gênes le 28 novembre pour son 1er voyage commercial à destination du terminal Old Port d’Alexandrie. Sur place, Marfret s’appuie sur Pan Marine, une agence maritime implantée dans les principaux ports égyptiens.

Une rotation centrée sur trois ports

« Nous avons un intérêt marqué pour les marchés italien et d’Europe centrale via l’Italie. Les flux commerciaux entre l’Italie et l’Égypte, tout comme ceux de nos autres lignes Nord-Sud, sont équilibrés avec des cargaisons sèches à l’aller et des volumes reefers, essentiellement des fruits, en sortie d’Égypte », expose Guillaume Vidil, qui rappelle la présence en propre de Marfret en Italie depuis 32 ans avec l’agence AEM.

Pour accompagner au mieux le démarrage du service « Égypte-Italie Express », Marfret a positionné 200 conteneurs reefers neufs au départ de Gênes. « L’Italie est le deuxième partenaire commercial de l’Égypte en Europe. La collaboration commerciale entre les deux pays recouvre un large éventail de secteurs», indique Amal Louis, directrice du service Maghreb et Short Sea Lines development manager intra Europe et Méditerranée.

Les clients plébiscitent le démarrage de cette ligne en abondant au fond de cale. Si les volumes sont au rendez-vous, Marfret entrevoit de proposer de nouvelles destinations en Méditerranée orientale.