Yury,
Petro, Oleksander se trouvaient en mer le 24 février. Embarqués sur des navires Marfret, les
mécaniciens ont été littéralement sidérés lorsque les troupes russes ont
attaqué leur pays, l’Ukraine. L’incrédulité a laissé la place au tourment et à
une déstabilisation psychologique des navigants. Rentrer à tout prix servir le pays, retrouver
la famille ou continuer à travailler pour nourrir les siens ? Les
sentiments sont confus, brouillés, certains se sentent prisonniers, culpabilisent.
Une fragilité mentale totalement incompatible avec le métier de marin qui
nécessite concentration, sérénité afin d’assurer la conduite du navire en
prenant les bonnes décisions. Une situation potentiellement dangereuse pour la
navigation.
Alors
qu’à bord, les navigants ukrainiens cohabitent avec les russes, leurs collègues
de toujours en mer, ils se livrent à terre une guerre fratricide sans merci
depuis un mois. Marfret compte 38% de marins ukrainiens embarqués, ils occupent
essentiellement des postes à la machine comme chefs mécaniciens, second mécaniciens,
motorman ou fitter.
En
effet, l’École Navale d’Odessa, réputée pour la qualité de son enseignement,
forme de nombreux ingénieurs officiers. L’Ukraine compte au total 76 442 marins
(4% des marins dans le monde ) dont 47 058 officiers et 29 383 matelots. Avec
les marins russes, ils concentrent à eux seuls 14,5% des équipages de la marine
marchande mondiale. Tout le monde garde en mémoire la prestigieuse Black Sea
Shipping Company, armement national basé à Kiev, passée ensuite sous la coupe des
soviétiques puis disparue dans les années 90
Marseille,
berceau de Marfret, est jumelée avec la ville d’Odessa. Depuis vingt ans, notre
compagnie fait appel aux marins ukrainiens. Et ils nous le rendent bien car ils
veillent au quotidien au bon fonctionnement des moteurs. Aujourd’hui, Marfret
plus que jamais est solidaire de ses équipages, de leurs familles.
Je
les connais personnellement pour avoir navigué avec certains d’entre eux. Nous
devons coûte que coûte trouver des solutions pour organiser au mieux les
relèves d’équipages depuis la Pologne et la Roumanie afin de préserver l’emploi
de nos marins ukrainiens. Nous devons surmonter de nombreuses difficultés tant
sur le plan humain qu’administratif, comme par exemple le non renouvellement
des certificats de navigation, les problèmes de visas. Nous avons par ailleurs organisé la mise à
disposition de logements en Roumanie, non loin d’Odessa, afin que les familles de nos marins ukrainiens
puissent être en sécurité.
Marfret exprime son plus grand soutien à ses
marins ukrainiens, nous avons d’ailleurs adopté les couleurs du pays en
solidarité.
Guillaume Vidil